Leçon de la mort de Mouammar.

Il n'y aura plus de leçon. Il n'y a jamais eu de leçon, le pédagogue n'a qu'à mourir! Je n'évoquerai plus le lieu de la leçon, ça a tout l'air d'une vielle chanson. Il n'y a pas longtemps, Ben Laden est mort. Son assassinat et la réaction des médias, des politiciens et des ordinaires gens de la cité, m'inspiraient d'écrire et publier une leçon d'humanisme pour tous, l'élite et les élus en particulier. Quelques années plus tôt, la mort de Saddam me servit de matériel pédagogique pour le même enseignement. Et je pourrais remonter beaucoup plus loin dans le temps, remémorant les tragédies de régicides festifs. Pourquoi nos sociétés sont-elles si imperméables à la leçon?

Kadhafi est mort, habillé en dictateur. L'habit lui aura été taillé sur mesure, par ses futurs bourreaux. Cela sonne faux à l'oreille corrompue, habituée à la tune des démocrates. Et pourtant! Qu'est-ce qu'un dictateur? Ce qu'on croit comprendre, n'est pas ce qu'on prend. "Un dictateur est un condamné d'office à la pendaison, sans autre forme de procès". Voilà où nous en sommes, avec des mots et un langage assassins. Qui sommes nous pour décider de supprimer des vies? Aucune leçon à s'en faire, nous savons détecter l'odeur de la barbarie, et enfiler des toges blanches d'humanistes. Mais nous portons par dessus des masques de mots et de discours assassins du genre "c'est un dictateur", sous-entendu une crapule à écraser. Qui est dictateur? Est dictateur, dit-on, qui étouffe des vies, les écrase sans scrupule. Qui est dictateur? Toute décision visant à écraser une vie, est un acte de dictature, de surcroit barbare.

Qui est barbare? Dans les minutes qui ont suivi cet acte tragique, nos médias ont vite changé de ton pour noter une nuance entre diverses manières de barbares. Plus personne ne semble s’intéresser aux crédits du forfait, on s’empresse de les transférer à une rébellion de marionnettes. Je réponds niet à toute invitation de ce genre, le problème ne peut être réduit à l’arrimage des méthodes normalisées de nos soldats et celles acceptables des gens de la rue.

Mouammar n’est plus, sa tête a tourné en trophée pour ses tombeurs. L’ex-dictateur n'a pas que des ennemis. Il a une mère, des enfants, des frères, des amis. Il n'est pas saint, mais les reproches dont on l'aura enveloppé ne peuvent effacer les traces de ses mains dans les mains d'autres humains. Nous fêtons sa mort, et donc le deuil inéluctable dans la cité incendiée. Et pourtant, il n'est pas de notre culture de nous réjouir de la mort. Les saints sont rarissimes, mais tous nos morts sont respectés, sanctifiés. Qu'adviendrait-il d'un étranger qui entonnerait un chant de joie au milieu des funérailles d'un citoyen?

Kadhafi est mort, gloire aux armes qui l'emportent et paix aux peuples qui récoltent des retombées économiques de la destruction et de la reconstruction. Il n'y a rien d'autre à dire. "Voici son corps, voici son sang. Prenez, mangez-en tous, buvez-en tous". Ainsi se perpétue la tradition de la sainte scène. Sainte! C'est l'histoire du fils de l'homme, Jésus Christ, crucifié sous Ponce Pilate, pour sauver le pouvoir romain et plus tard, l'humain. Ainsi les vies sacrifiées font et feront notre affaire. Peut-il en être autrement? Ca demande la venue d'un autre messie, pour faire la pédagogie du respect sacré de la vie, de toute vie, et la promotion du régime minceur, économiquement et culturellement, sans traces de sang ni de chaire humaine.

Francois M.

20 Octobre 11

 

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