(Sociétés obèses et sociétés chétives)

Les cadres payés trop cher le sont doublement. Ils ponctionnent sur le temps de travail payé, du temps pour leurs surplus d'argents. Pendant qu'ils sont salariés pour générer et sauvegarder la richesse de leurs patrons, ils se préoccupent davantage de faire prospérer la leur. La voie devient assez vite pavée d'interférences des intérêts.  Saura-t-on jamais dans quelles mesures l'appât du gain individuel pèse sur la balance décisionnelle des cadres investisseurs? Les conflits d'intérêts poussent partout, comme des pissenlit, mais leurs souterraines ramifications sont invisibles. L'esprit corporatif s'y prête bien, allègrement. Aveuglement, le nuage de la richesse nous enthousiasme. Créer et pérenniser la richesse! A quoi sert la richesse, à quoi servirait une paire de chaussure, pour un unijambiste? Nous sommes obnubilés par l'éclat du moyen, et perdons de vue le sens de son usage.

Au temps de ma jeunesse, les plus âgées parlaient de s'instruire pour servir. L'on payait et les salaries étaient payés pour les services, et non pour les actifs  matériels et immatériels. Aujourd'hui, on ne sait plus rien voir à part l'argent, sans les lunettes d'argentiers. Normal que les cadres se soucient d'abord de remplir leurs poches, la façon la plus simple étant de garnir l'assiette budgétaires.  Pour justifier leurs grosses paies, ils multiplient les échelons. Ainsi ils se créent des justifications à leurs galons. Et nous nous étonnons de ce que nos organisations sont obèses. C'est connus, les salariés se créent mutuellement du travail inutile, les cadres surtout. Ce principe de Peter est plus ancien que le plus vieux des cadres. Peut-on s'attaquer à ce malin phénomène ? Très difficilement.  Il faudra repenser les sens de la vie, revenir à la raison collective. A-t-on besoin d'être payé plus cher pour soigner un cancer?  Il me semble que oui! Pourtant, personne n'exigera un salaire pour être un super bon parent.

Payer trop cher des cadres relève d'une folie qui s'est longuement, tranquillement rependue, au point qu'elle s'est intégrée dans la signature de la normalité. Bien qu'aucun expert ne pourrait établir valablement une corrélation entre le salaire et le volume ou la qualité de travail, aucun osera proposer la révision des barèmes salariaux. Ils sont eux mêmes concernées, et ce ne sont pas eux les payeurs.  Qui paye l'addition? Les ouvriers et les petits consommateurs.  Ce que les cadres ont en trop, les payeurs l'ont en moins. Comme ils sont en grands nombres, chacun est mis à contribution pour presque des pinuts, et il ne le ressentira pas. Sensibiliser le monde à l'urgence du retour aux bons sens, dans ce monde à lunettes argentées, est plus impensable que moins faisable. Mais l'avenir est sombre. Des crises se succéderont, mais nous n'irons pas jusqu'à la dernière.  Viendra donc un temps et nous verrons à travers la muraille de nos illusions, le changement venir vers nous. Obèse, notre société perdra toutes ses graisses, pour devenir chétive. Alors, sera le chaos dans la panique,  ou le salut dans la sagesse.

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Francois M. ©xP, Québec, mars 2010